[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#2D74B0″]P[/mks_dropcap]remier roman de l’anglais Benjamin Myers traduit en France, Dégradation fait l’effet d’une bombe.
Un choc à la fois littéraire, stylistique et une plongée sans fard dans la région du Yorkshire, dépeinte ici de façon absolument terrible.
D’abord il semble que Myers ait lu son David Peace tant son style ressemble à celui de ce grand auteur anglais. Là où Peace aime les phrases répétées comme des mantras, Myers, lui, abolit l’utilisation de la virgule. Ses phrases découlent l’une de l’autre et s’enchaînent sans temps mort. De même, il se sert souvent de phrases non verbales.
C’est un peu particulier au début. Un temps d’adaptation est nécessaire.
Crimes populaires. Écrits dans la terre. Squelettes.
Autant de pensées qui occupent l’esprit de James Brindle alors qu’il suit la route sinueuse à travers la vallée. Toutes ces choses qu’on enterre. Noirceur des actes accomplis et sang versé mis au secret. Crimes gravés dans la mémoire collective et crimes des gens ordinaires unis dans des mythologies muettes. De celles qui font le folklore de la région.
Nous sommes ici dans un polar en lien avec une région de l’Angleterre : le Yorkshire, lieu de vie de l’auteur. Benjamin Myers nous décrit les liens entre certains personnages d’une communauté isolée. Les riches, les vainqueurs, ceux qui dominent. Les hommes de mains, ceux des basses besognes. Et puis, un homme qui a vu des choses et les a refusées, un homme qui résiste.
La nature prend une place énorme ici et Myers ne se gêne pas pour nous la décrire, souvent avec lyrisme, ce qui détonne complètement avec les horreurs que nous lisons quelques lignes plus loin.
Car, il ne faut pas vous y tromper, Dégradation est une oeuvre extrêmement noire et violente. Myers donne à voir cette violence qui peut sembler endémique et laisse ses personnages se débrouiller avec.
Parce que le monde est un endroit sombre et chaotique gouverné par le désordre le désir et l’impulsion. Parce que rien n’a de sens et que si on y réfléchit trop on n’a plus qu’une envie: se foutre en l’air.
Dégradation, c’est aussi un duo contre nature: un policier, Brindle, qui n’a que son travail dans la vie, qui est obsessionnel et à la limite de l’autisme et un journaliste qui a connu la gloire à Londres avant de craquer et de venir s’enterrer en banlieue. Ces deux là commencent par se détester avant d’arriver à un statu quo pour le bien de l’enquête. Car une jeune adolescente a disparu en promenant son chien. Aucune trace. Rien. Mais si les policiers n’y arrivent pas, grande originalité de ce roman, le lecteur, lui, sait, depuis le début, qui est coupable et comment ce coupable va finir.
Cela n’empêche absolument pas l’enquête d’être passionnante.
Enfin, on peut signaler les retours dans le passé qui éclairent particulièrement la personnalité de Steven Rutter, l’homme de la nature, homme ou sauvage, ermite maltraité par sa mère depuis sa naissance. Grand et terrible méchant, homme de peu de mots qui rappelle souvent le méchant de No country for old men de Cormac McCarthy tant dans sa violence que dans son jusqu’au boutisme.
Les éditions du Seuil qui publient ce roman, annoncent que Myers a déjà une oeuvre conséquente dans sa langue maternelle et qu’elle sera traduite prochainement. Je n’ai qu’un mot pour réagir à cette nouvelle : Vivement !
Je suis très tentée par ce roman, mais j’ai peur que ce ne soit quand même trop dur pour moi. A voir.